3ème jour 1/2, levé de soleil dans l’Himalaya.

Samedi 07 août 2010.

Himalaya

Je sépare cette journée en deux parties, en raison de son importance. Ce premier article sera consacré à une balade inoubliable qui a marqué ma vie, je veux la partager.

Il est 05h30 quand je me réveille. Doucement, je sors dans la fraîcheur des montagnes, et profite de la vue, depuis la cour de l’école. Peu après, l’un de nos monos, J., pointe le bout de son nez. Il doit être presque 6h. Contrairement à son collègue, c’est sa première fois en Inde, et il est tout aussi émerveillé que nous chaque jour. Adepte de randonnée, il se décide donc à partir découvrir les alentours de bon matin, et me propose de le suivre. Je me hâte, ravie de bouger un peu, malgré la fatigue de cette très courte nuit. Après avoir dépassé le village, d’où viennent la plupart des enfants de l’école, encore endormi, nous empruntions un sentier inconnu. Je regretterai toute ma vie de n’avoir pas eu d’appareil photo avec moi ce jour-là. Je n’ai jamais rien mémorisé aussi solidement que ce que j’ai vu durant cette marche. 

Autour de nous, la nature était totalement pure, vierge de toute activité humaine, et florissante. 2 pas hors du sentier suffisaient pour tomber nez à nez avec une flore surprenante et magnifique. Les plantes resplendissaient, de mille et une couleurs, mêlant odeurs, textures, formes aussi originales et poétiques les unes que les autres. La faune se faisait discrète, mais les insectes étaient tout autant surprenants. Même les arachnides, souvent craints, haïs, tués dans nos contrées, se montraient d’une diversité incroyable et se paraient des plus belles teintes pour le plaisir des yeux, ou des camouflages sans précédents. A tout cela s’ajoutait l’air pure des immensités de l’Himalaya, et les premières lueurs du jour, se reflétant sur les flancs des montagnes. La beauté, la beauté simple, naturelle, dont on parle pour une femme, pour un enfant, toute son essence était là, sous mes yeux ébahis. Nous avions grimpé, beaucoup, et haut, j’étais exténuée, j’avais faim, mal aux jambes, aux pieds, mais nous étions vivants, grains de poussière au milieu de ces étendues immaculées, nous contemplions la réelle merveille du monde. Ce n’était pas le Colosse de Rhodes, ni les Jardins de Babylone, encore moins une pyramide, ou un mausolée, c’était ce que le Monde, le notre, cette Terre qui nous abrite, a de plus beau à nous offrir. C’est le seul moyen qu’elle a, aujourd’hui, de se faire entendre au près de ceux qui la piétinent sans y prêter attention, en se dévoilant ainsi, à nu, elle nous crie, nous prie presque, de regarder cette magnificence, de réaliser que c’est cela que l’on détruit chaque jour. C’est bête mais j’en pleure, rien que de me souvenir, de me remémorer ce paradis, cet espace parfait de sérénité et d’innocence. J’en pleure parce que, justement, ce n’est plus qu’un souvenir. J’en pleure de ne pas pouvoir transmettre cette expérience, cette sensation autour de moi, de manière aussi juste, vraie, et claire que l’était ma vision.

Si, un jour, s’offre à vous le bonheur parfait de la rencontre avec la Terre vierge, gravez-le dans votre mémoire, faites-en des photographies, des films, des croquis, notez les mots, les sentiments qui vous traversent, et offrez-les au monde entier, pour que chacun puisse voir, se rendre compte qu’éteindre la lumière, l’ordinateur, la télé, quand ça peut être fait, ce n’est jamais bénin. Arrêtons d’habituer la Terre à nos caprices, apprenons à vivre avec elle, parfois même pour elle. La nature a bien plus à nous offrir que ce que nous pouvons imaginer de plus beau.

2ème jour, départ pour l’école.

Samedi 07 août 2010.

Ce jour-là, comme prévu dans le programme, nous partions passer la journée, ainsi que la nuit, dans une petite école perdue dans l’Himalaya, pour faire un peu de maçonnerie, de mise à niveau de terrain, et passer du temps avec les enfants.

Après l’omelette du chef de maison (la meilleure jamais mangée à ce jour), nous rejoignions les jeeps qui devaient nous conduire sur

la première partie du trajet. La fin se fait à pieds, presque une heure de marche en montagne pour atteindre, sous une pluie bien méritée puisque rafraîchissante, ce petit « bâtiment » qui servait d’école aux enfants des villages alentours. Ça ne paraît pas « si » terrible à première vue. Les toilettes sont insalubres, et dangereux, les enfants ne peuvent plus les utiliser. Il n’y a pas de tables, ni de chaises pour les élèves, seulement quelques unes en plastique, pour les invités. Les rares portes et fenêtres ne ferment pas, et les températures sont basses, sur le chemin du toit du monde. Les 3 placards sont presque vides, et des araignées, plus grosses que votre main, se balade à leur gré sur les murs et les plafonds. Mais les enfants sont heureux, ils ont des billes, et de l’imagination. Je ne saurai vous expliquer autrement le paradoxe de cette vie, pauvre  et incroyablement riche.

Nous avons repris notre souffle autour de l’accordéon, un tchaï (thé traditionnel indien, au lait et très épicé) gracieusement offert par les enseignants. Un repas frugal et nous nous mettions au travail. Il y avait trois groupes, un partait s’occuper des enfants, un deuxième était en charge de la reconstruction d’un des murs d’une salle de classe, et le dernier, dont je faisais partie, allait s’employer à faire de la remise à niveau. Une partie du terrain, à droite de la photo, était tout à fait impraticable, un vrai cratère. Dans la boue, nous faisions donc des allés-retours, transportant de la terre dans des sacs. A vrai dire, je n’en ai pas fait tant que ça, mais j’étais de ceux qui creusaient, avec une pelle et une pioche, pour remplir les sacs des camarades. Des heures plus tard, nous commencions à peine à voir le changement, mais la cuisinière – on ne sait comment – avait un préparé une petite collation… des frites. Au beau milieu de la montagne, sur un feu de camp, nous avions des frites. Un petit nombre d’entre nous a décidé de reprendre les travaux, mais pour peu de temps car la nuit qui tombait nous empêchait d’être efficaces.

Couché de soleil, Himalaya

Nous avons dîné autour du feu, joué aux cartes et au loup-garou (le jeu de rôle). L’un de nos monos, habitué de l’Inde, nous avait mis en garde quant au danger de partir se promener la nuit car les ours étaient habitués du coin. Nous menions alors des expéditions pour aller aux toilettes (toilettes « sauvages » donc), moments assez comiques. Après une installation sommaire sur les sols de l’école, nous avons mis du temps avant de nous endormir ; une araignée d’au moins 15 cm de diamètre nous observait d’un recoin qu’on ne pouvait atteindre.

Contrairement au reste du groupe, l’insomnie me gagnait et je passai une grande partie de la nuit au coin du feu, ne dormant qu’une petite heure. La journée avait été longue, fastidieuse, mais belle. La vue, les jeux avec les enfants, et même la maçonnerie, tout était enrichissant, et bénéfique. Nous nous rendions vraiment compte du confort, et de la chance d’avoir été dans nos écoles meublées, chauffées.